Monsieur le Premier Ministre, vous avez la lourde tâche de diriger le Québec à travers une pandémie, mais ce grand défi ne peut pas occulter votre autre grande responsabilité, celle d’être le responsable des dossiers jeunesse au sein de votre gouvernement.

C’est au responsable de la jeunesse que nous nous adressons parce que nous croyons qu’il y a urgence d’agir pour soutenir les jeunes du Québec, particulièrement les 12 à 29 ans qui se retrouvent, lorsqu’en situation de vulnérabilité, dans l’angle mort de l’appareil gouvernemental. Et ils sont encore plus nombreux en raison de la pandémie.

Le rapport préliminaire de la Commission Laurent met en lumière certains des angles morts du gouvernement en matière d’action jeunesse. Il en est de même dans le rapport de la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle. À la Coalition Interjeunes, qui représente 360 organismes communautaires jeunesse et 475 000 jeunes de partout au Québec, nous sommes en accord avec les différentes recommandations de ces commissions. Il nous apparaît cependant essentiel d’aller encore plus loin.

Une structure ministérielle jeunesse doit être mise en place afin d’avoir une vision commune de ce qui se passe et surtout, qu’aucun jeune en situation de vulnérabilité ne soit laissé pour compte.

La jeunesse a la particularité d’être traitée transversalement par différents ministères. La conséquence? Les enjeux qui touchent nos jeunes sont travaillés en silos ou ne sont tout simplement pas abordés. L’absence de consultation des organismes communautaires et d’arrimage au niveau des ministères amènent un dédoublement de services et des dépenses publiques loin d’être optimales.

À titre d’exemple, le ministère de la Santé et des Services sociaux réalise présentement une consultation sur la santé mentale sans qu’aucun organisme communautaire autonome jeunesse (OCAJ) ni regroupement qui les représentent n’ait été interpellé. Ou encore, d’importants projets comme les Aires ouvertes, le Créneau Carrefour et les sentinelles (polices/intervenants) sont implantés ou en voie de l’être alors qu’ils visent à offrir des services qui existent déjà sur le terrain au sein de nos organismes. Le tout avec des montants à des années-lumière de ceux accordés aux OCAJ, comme par exemple, 1.2 million versé par Aire ouverte versus une moyenne de 95 500 $ pour un OCAJ.

Il est urgent d’écouter nos jeunes.

Nous voyons quotidiennement que des jeunes sont exclus des considérations lorsque l’on se penche notamment sur des problématiques telles que l’itinérance, la violence conjugale et les enjeux de santé mentale. Aucune structure gouvernementale n’existe pour écouter et répondre aux besoins des jeunes les plus vulnérables ainsi que pour avoir une vue d’ensemble des solutions déjà existantes. Il est vrai qu’il y a le Secrétariat à la jeunesse, mais il n’a ni la portée, ni le financement, ni les priorités pour agir au niveau des jeunes en situation de difficulté.

La jeunesse a et va avoir besoin dans les prochaines années d’un soutien important des organismes et institutions qui leur sont dédiés. Depuis le début de la pandémie, les organismes communautaires jeunesse ont répondu présents et ils continuent de le faire, et ce, malgré un fort essoufflement. Hébergement, ateliers d’aide aux devoirs en ligne, distribution de nourriture, relation d’aide, soutien aux jeunes dans la rue, services d’aide téléphoniques ou en ligne, etc. Les organismes sont à leurs côtés et s’adaptent rapidement au contexte changeant. Ils sont cependant fatigués et attendent avec impatience une reconnaissance de la part du gouvernement.

Étant déjà sous-financés et n’ayant pas les ressources adéquates avant même la pandémie, les groupes communautaires ne pourront pas pallier encore longtemps le fragile filet social qui aide tant le système de santé et des services sociaux, ainsi que de l’éducation.

Il est urgent que le gouvernement reconnaisse le fossé immense dans le financement octroyé aux organismes jeunesse, et qu’il mette fin aux disparités et inégalités majeures qui existent actuellement en matière de financement. Ainsi, pour soutenir pleinement les jeunes, dont ceux en situation de vulnérabilité, nous croyons qu’il est essentiel d’avoir une meilleure coordination des services et des investissements. Il est également primordial de soutenir davantage la mission et les activités des OCAJ et de s’assurer de ne pas investir dans des organisations qui dédoublent à fort prix ce que nous faisons déjà.

La Commission Laurent et la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle l’ont démontré : les jeunes du Québec ont besoin d’aide, ils ont besoin d’être vus et entendus. Pour eux, l’État et toute la société se doivent d’être à la hauteur.

Par où commencer? Nous demandons au premier ministre et responsable des dossiers jeunesse de doter le Québec d’une vision globale de la jeunesse, qu’elle soit pensée conjointement avec les organismes du milieu et appuyée par un financement adéquat. Ce beau projet de société peut et doit se réaliser.

Jennifer Robillard, coordonnatrice de la Coalition Interjeunes

et les membres de la Coalition :

  • Regroupement des maisons des jeunes du Québec (RMJQ)
  • Regroupement des organismes communautaires autonomes jeunesse du Québec (ROCAJQ)
  • Regroupement des Auberges du cœur du Québec (RACQ)
  • Regroupement des organismes communautaires québécois de lutte au décrochage (ROCLD)
  • Regroupement des organismes communautaires québécois pour le travail de rue  (ROCQTR)
  • Regroupement des écoles de la rue accréditées du Québec (RÉRAQ)