Manifeste

Manifeste pour la reconnaissance d’espaces alternatifs pour les jeunes logo

En 2006, Interjeunes organise une grande rencontre de jeunes à Saint-Jean-Chrysostome afin de discuter de l’implantation des réseaux intégrés de services en santé et services sociaux dans les pratiques d’intervention des groupes communautaires autonomes auprès des jeunes. C’est à ce moment qu’ils adoptent l’image du Loup solidaire, pour illustrer de façon originale les pratiques d’intervention propres aux groupes membres qui composent cette Coalition. Ce sont des pratiques solidaires, insoumises et menacées de disparition. Ils rédigent un manifeste qu’ils remettront au ministre de la Santé de l’époque, Philippe Couillard.

Manifeste pour la reconnaissance d’espaces alternatifs pour les jeunes

Interjeunes : Regroupement des maisons de jeunes du Québec, Regroupement des organismes communautaires autonomes jeunesse du Québec, Regroupement des Auberges du cœur du Québec

ENJEU : QUE LES JEUNES CONSERVENT UNE ALTERNATIVE À L’INTÉGRATION DES SERVICES

Préambule

Avec l’adoption des Lois 25 et 83 qui transformaient profondément l’organisation des services au Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) par la mise en place de réseaux locaux de services et l’inclusion des organismes communautaires à ces réseaux, nous nous sommes questionnés sur l’impact de cette inclusion sur les activités des organismes, notamment sur les pratiques alternatives qu’on y a développées et le type de rapport qu’on crée avec les jeunes qui font appel à nos organismes. 

Le présent manifeste émane de discussions et de rencontres de quelques centaines de personnes impliquées ou oeuvrant dans l’un ou l’autre des organismes communautaires autonomes jeunesse participant à INTERJEUNES.  On y retrouvait des jeunes, des intervenantEs, des administrateurs/trices, des coordonnateurs/trices et des bénévoles.  Ces discussions se sont déroulées tant aux niveaux national ou régional qu’au sein de plusieurs des organismes concernés et de chacun des regroupements nationaux.

De quoi avons-nous discuté ?  Il convient de faire un court historique de la démarche.

Nous avions bien compris que les organismes ne seraient pas contraints de participer à ces réseaux de services mais le portrait qui se dessine apparaît tout de même inquiétant.  Un nombre croissant d’organismes participera à ces réseaux et l’essentiel des montants au développement de l’action communautaire sera injecté dans ces réseaux. De plus, soumises elles-mêmes à la pression du ministère pour l’atteinte des objectifs fixés, les instances régionales et locales feront davantage pression sur les organismes pour la signature d’ententes.  Enfin, c’est autour des programmes-services du ministère que s’articuleront les orientations dans chaque région et sous-région, ceux qui n’y participeront pas auront moins droit au chapitre ainsi qu’aux budgets alloués. Ces programmes services définissent les services en fonction de problématiques et de priorités gouvernementales et les réseaux de services se constituent autour de chaque problématique ou priorité.  Qu’advient-il alors de notre objectif d’être adapté aux besoins des jeunes et de notre communauté ?  Qu’advient-il de notre approche globale axée sur le potentiel des jeunes ?  Qu’advient-il aussi de la place faite aux choix des jeunes dans nos organisations ?

Les trois regroupements ont convenu qu’il était nécessaire de « faire nos devoirs » sur cette question et de retourner voir « notre monde ».  Grosso modo le but de cet exercice était de vérifier si « notre monde » partageait le point de vue et les inquiétudes que nous avions et de tracer la marche à suivre en conséquence.

Reconnaissance des jeunes

  • D’être respectés dans leur rythme de croisière concernant les démarches qu’ils choisissent de faire.

L’étincelle qui a permis la mise en commun de nos forces et de nos préoccupations est venue des jeunes eux-mêmes.  Ils nous ont dit : « Nous vous avons choisi parce que vous êtes comme vous êtes ; si vous changez, si vous devenez comme l’école, comme la DPJ, comme les CLSC, comme les autres, nous allons perdre ce que nous trouvons auprès de vous ».  Clairement, les jeunes nous ont rappelé à nos responsabilités envers eux.

Comme organismes communautaires autonomes jeunesse, NOUS RECONNAISSONS CES BESOINS QUE LES JEUNES NOMMENT :

  • D’être respectés dans leurs choix et décisions ;
  • De développer avec les adultes des relations volontaires, égalitaires et significatives ; des liens chaleureux et réguliers, sans dossier ou numéro de client ;

Ah !  Oui !  Ce que les jeunes nous ont également dit, c’est que ces pratiques valent la peine d’être défendues.  Et ça s’appelle un mandat.

PARCE QUE L’approche des organismes communautaires autonomes jeunesse :

  • Permet aux jeunes de définir eux-mêmes leurs réalités, leurs problèmes, leurs rêves et leurs solutions;
  • Permet aux jeunes d’y venir de leur propre gré, leur laisse prendre des décisions pour eux-mêmes en fonction de leurs besoins et leur permet de faire ces choix;
  • Voit les jeunes dans leurs forces et capacités, comme porteurs de projets moteurs de changement;
  • Crée un milieu de vie, d’appartenance et accueille chaque jeune dans sa différence et sa singularité favorisant la solidarité, l’entraide, la mobilisation et l’implication, même au-delà de l’organisme;
  • Développe un lien de confiance dans la relation.  L’acteur principal est le jeune.  L’intervenant est un acteur de soutien qui est nécessaire pour que le jeune puisse développer son potentiel et participer pleinement à la société;
  • Offre aux jeunes des lieux pour qu’ils/elles puissent exercer un pouvoir sur leurs conditions de vie et sur les décisions qui les concernent;
  • Fait la promotion de l’autonomie et de la responsabilisation en développant l’engagement citoyen et en portant la parole des jeunes sur la place publique.

Comme organismes communautaires autonomes jeunesse, NOUS REFUSONS :

  • De travailler à partir de priorités et objectifs imposés de l’extérieur;
  • L’étiquetage des jeunes et une façon standardisée de les aborder;
  • De considérer les jeunes comme des bénéficiaires de services (clients) plutôt que comme des citoyens à part entière;
  • D’aborder les jeunes comme des problèmes à résoudre.

Comme organismes communautaires autonomes jeunesse, NOUS NOUS ENGAGEONS :

  • À considérer les jeunes dans leur globalité, comme des personnes à part entière, porteuses de rêves et d’aspirations qui leur sont propres;
  • À mettre les jeunes au cœur de la démarche : accueil, écoute, respect de leurs  objectifs, de leur rythme, etc.;
  • À développer avec les jeunes un rapport volontaire et égalitaire fondé sur la confiance;
  • À offrir un milieu de vie chaleureux où ils peuvent développer des liens significatifs et où ils sont en mesure de prendre part aux décisions et orientations;
  • À travailler AVEC les jeunes et non pas SUR leurs problèmes.

Comme organismes communautaires autonomes jeunesse, NOUS DEMANDONS au gouvernement du Québec :

  • qu’il reconnaisse l’importance et l’originalité des pratiques développées par les organismes communautaires autonomes jeunesse et choisies par les jeunes qui les fréquentent;
  • qu’il soutienne et finance la préservation et le développement des pratiques des organismes communautaires autonomes jeunesse;
  • qu’il assure une coexistence des deux types de pratiques (réseau public et organismes communautaires autonomes jeunesse) respectueuse du choix des jeunes.

Comme groupe ou personne, j’adhère à ce manifeste.

Nom et signature

Interjeunes 2007